En Suisse, les créances pécuniaires sont exécutées par contrainte par la voie de la poursuite pour dettes. Il est facile de poursuivre quelqu’un: une réquisition de poursuite peut être formée oralement ou par écrit auprès de l’office des poursuites; il suffit d’indiquer le nom et l’adresse du créancier et du débiteur, le montant de la créance ainsi que le titre (ou subsidiairement le motif de la créance).1 Des formulaires sont disponibles sur Internet; ils peuvent être complétés en ligne et imprimés.2 Le créancier doit en outre avancer les frais calculés selon le barème des émoluments et qui ne s’élèvent qu’à 7 – 400 CHF (selon le montant de la créance).3 Aucune justification de la créance ni de la réquisition de poursuite n’est requise, ni aucun moyen de preuve; la réalité de la créance n’est pas vérifiée à ce stade.
Dès réception de la réquisition de poursuite, l’office rédige le commandement de payer et le notifie au débiteur.4 Le débiteur peut certes suspendre la poursuite tout aussi facilement en faisant opposition et il appartient alors au créancier de faire annuler l’opposition dans le cadre d’une procédure judiciaire.5 Le poursuivi pourrait donc attendre que le créancier devienne actif (si tant est qu’il le devienne) et se contenter de se défendre en justice contre la prétendue créance.
Le problème est que la poursuite est désormais inscrite au registre des poursuites qui est en principe public. Quiconque rend son intérêt vraisemblable peut demander des extraits du registre des poursuites, notamment quand la demande d’extrait est en rapport avec la conclusion ou l’exécution d’un contrat.6
Il en résulte une situation désagréable pour le poursuivi, notamment si la poursuite était injustifiée7. Celui qui recherche par exemple un nouveau logement doit pratiquement toujours fournir un extrait du registre des poursuites. Si celui-ci fait état de poursuites, le bailleur peut avoir des doutes quant à la solvabilité et privilégier un autre locataire potentiel. Les poursuites inscrites au registre des poursuites peuvent également avoir des conséquences négatives sur les entreprises, par exemple quand un partenaire commercial ne livre que contre paiement d’avance, parce qu’il pense avoir affaire à un mauvais payeur.8
La question qui se pose par conséquent est de savoir comment un poursuivi peut lui-même prendre l’initiative et se défendre contre une poursuite qui lui semble injustifiée. Selon la situation, la loi offre à la personne qui fait l’objet d’une poursuite injustifiée différents moyens de défense qui doivent être éclairés ci-après. Nous nous intéresserons à certains arrêts intéressants rendus par le Tribunal fédéral ces derniers mois.9 Pour finir, nous attirerons l’attention sur certaines évolutions actuelles de la législation qui visent à améliorer la situation des personnes qui font l’objet d’une poursuite injustifiée. Les explications ci-après ne donnent évidemment qu’un aperçu de la situation et ne présentent que certains des avantages et inconvénients; elles ne prétendent pas à l’exhaustivité.10